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Chris
Rea questionné à l'occasion de son denier album "Stony
Road"
Question
:
C'est rigolo car tu as fait plus de 25 disques et rien
ne laissait présager que ce dernier serait un album
de blues. Et c'est d'autant plus étonnant que les artistes
ont de plus en plus tendance à utiliser les ordinateurs.
N'y a-t-il pas un paradoxe derrière tout ça ?
Réponse
:
Non, car je ne conçois pas plus la musique qu'au travers
du blues. Et dans cette optique, j'ai constaté qu'il
y a deux sons que tu ne peux pas reproduire avec un
ordinateur. Le premier est celui du saxophone, parce
qu'il est nourri d'expressions que d'informations digitales
ne savent pas retranscrire.
Et c'est exactement
la même chose avec celui de la guitare slide. Avec les
ordinateurs, il n'y a rien entre le numéro 1 et le 2.
Avec ces instruments, il existe des milliers de combinaisons
possibles liées à l'impact de ton souffle ou de tes
doigts sur l'instrument.
D'où l'impasse. Avec
un slide, ce n'est pas tant un Sol, ou un Fa qui vont
te permettre d'exprimer la joie ou la colère, mais plus
un usage. D'où mon attrait pour le blues et ses sonorités
authentiques.
Question
:
Tu as été assez gravement malade ces dernières années
et tu fais de fréquentes références à Dieu et au gospel
sur cet album. Est-ce que la religion t'a aidé ?
Réponse
:
Lorsque j'ai été malade, un prêtre est venu me trouver
et m'a expliqué combien Dieu était bon. C'était étrange
: pour moi, si Dieu est si bon, j'avais la nette impression
qu'il m'avait oublié ! Alors j'ai cogité. Et ce qui
m'a inspiré, spirituellement et musicalement parlant,
c'est le gospel.
Là, il s'agit vraiment de libérer
l'âme de ses problèmes. C'est une autre démarche. Les
catholiques qui se rendent à l'église vont prier car
ils craignent l'enfer. Dans une église gospel, les croyants
viennent avant tout pour manifester leur bonheur de
se retrouver. Tu transmets aux autres ton émotion.
J'ai
vu un jour un vieillard commencer à raconter une histoire,
il disait qu'il avait perdu sa femme. Tout le monde
l'écoutait attentivement et lui tapait dans ses mains
en parlant. Une femme assise à ses côtés reprenait ses
derniers mots. Puis tout le monde s'y est mis et on
a trouvé un rythme gospel.
On chantait de plus
en plus fort. A partir de là, je me suis senti mieux
et j'ai vraiment eu envie de mêler à ma musique des
rythmes de gospel et de m'orienter vers le blues.
Question
:
Pourquoi avoir choisi d'enregistrer ce disque sans le
soutien d'une major ?
Réponse
:
Parce qu'une fois que je me suis senti mieux, mes interlocuteurs
sont venus me voir en me disant qu'ils avaient une idée
géniale.
Ils souhaitaient dorénavant que je fasse
des duos avec de jeunes artistes pop ! Que je deviennent
un nouveau Tom Jones où que je m'acoquine avec les Spice
Girls ! Si je n'avait pas été malade, j'aurais peut-être
accepté, en contrepartie de multiples avantages.
Mais
là, j'ai regardé ma femme et je lui ai dis que je ne
pouvais pas. Je ne voulais pas être un imposteur. Je
voulais juste faire ma musique à moi. D'où ce disque.
Il n'a souffert d'aucun compromis.
Je n'ai pas
été acheté par une compagnie, il est authentique, voilà
pourquoi je tiens autant à le défendre.

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