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Gérald de Palmas : Il y a un faux débat qui consiste à vouloir imposer une réalité et une essence rock en France.
Le rock ne vient pas de chez nous. Les Beatles n'étaient pas français, ni les Stones...Mais ce n'est pas grave.
Cela n'empêche pas d'intégrer ces influences là et d'arriver, en chantant en français, à créer un mélange original.
Lorsque je compose, je commence souvent en yaourt ou en anglais, mais mes chansons prennent vraiment une dimension
quand je colle un texte en français sur la musique. Ce serait te mentir de te dire que mon influence musicale est
française. Mais plutôt que d'écouter certains artistes français, je préfère aller à la source de ce qui les a
marqués. Pour les textes, avec plaisir, je rentre à fond dans Cabrel, Gainsbourg, Goldman...Mais pour la musique,
je fais comme eux, je vais directement à la station-service, je ne cherche pas à trouver un bidon d'essence chez eux.
Question : Pour t'avoir vu à tes débuts sur scène aux Eurockéennes, ou même sur le live, il semble que, plus encore
tu sois vraiment dans ton élément.
Réponse : Ce n'était pas vraiment
le cas pour la première période que tu évoques. Avant le premier album, j'avais
un peu d'expérience du studio, mais pas de la scène. C'est au cours des
deux cent cinquante premières dates que j'ai appris à jouer en concert. C'était
très difficile. Il a fallu que j'apprenne très vite et j'en ai pris plein
la gueule. Ma voix n'était pas bien placée et je me fatiguais très vite.
J'ai plus subi mes premiers concerts qu'autre chose. Pour les cent quatre-vingts
dernières dates, j'ai cette fois pris des cours pour mieux placer ma voix
et avoir plus d'endurance. Il ne fallait pas que je me retrouve sans voix
au bout de vingt prestations. J'étais donc beaucoup plus à l'aise, j'ai sorti
la tête de l'eau et, là, j'ai enfin pu apprendre la scène.
Question : On serait presque tenté de parler, cette fois, d'un album de groupe, l'ambiance semble très différente
de la plupart de ces chanteurs qui donnent l'impression d'être convaincus qu'ils représentent le seul et unique intérêt
d'un spectacle.
Réponse : C'est une bonne impression...Non seulement
en studio, mais encore plus sur scène, car les musiciens qui m'accompagnent
apportent énormément. Ils conditionnent vraiment les arrangements. Et on
improvise pas mal ensemble, des morceaux qui durent parfois dix minutes.
Dans ce cas, on est vraiment dans l'esprit de groupe. Pour moi, la chanson
en studio et en live, ce n'est carrément pas le même morceau. Mais je fais
gaffe pour les titres connus. Les gens sont venus pour les chansons qu'ils
ont pas mal entendues. Ils ne faut pas trop les déstabiliser. Le studio
et la scène, ce sont deux plaisirs différents. Pourquoi se les interdire
?
Question : Musicalement, qu'as-tu retiré de tes collaborations largement médiatisées avec Céline Dion et
Johnny Hallyday ?
Réponse : Céline et Johnny ont apporté leurs interprétations exceptionnelles, mais derrière, sur le plan des arrangements,
si j'avais eu à les faire pour moi, j'aurais gardé exactement les mêmes. Même pour "Tomber", que Céline a repris
en Anglais, j'ai refait le même arrangement. Il ne sonne peut-être pas pareil parce qu'au mix, le mec n'est pas le même.
Et, pour Johnny, les morceaux un peu plus rock que "Marie" présentent les mêmes arrangements que pour ceux que je réalise
pour moi. Ce qui change, c'est l'interprétation du chanteur. Johnny ne chante pas comme moi et inversement.
Ce ne serait d'ailleurs pas très drôle...
Question : Pour Johnny, ce n'était d'ailleurs pas tout à fait une surprise, sachant comment le chanteur procède
pour renouveler le choix des auteurs à chaque album. Mais de quelle façon s'est passée la rencontre ?
Réponse : C'est le PDG d'Universal qui m'a dit que Johnny cherchait des
chansons pour son nouvel album. Je lui en ai proposé quelques-unes. Il a
retenu d'abord "Marie" pour la faire écouter à Johnny. Il l'a bien aimée et
aussitôt demandé d'autres chansons. J'en ai donné sept, et ils en ont retenu
cinq. Je me suis retrouvé en studio et j'en garderai un super souvenir.
Déjà, c'était génial d'entendre Johnny derrière un micro.
C'est réellement
très impressionnant, et remarquable sur le plan humain. C'est définitivement
un mec à part. Il est exceptionnel au sens propre du terme, dans la mesure
où on ne rencontre pas vraiment un tel personnage tous les jours. Je suis
vraiment content d'avoir partagé un petit bout de sa vie et ça restera un
souvenir fort dans la mienne. C'est un homme qui vit à fond.
Il n'a pas d'inhibition
ni de retenue, il se lance à fond. Musicalement, il capte aussi très bien.
Quand il a un truc à te dire, il le fait de la façon la plus simple et la
plus courtoise. L'ambiance était particulièrement détendue...Je me suis éclaté
comme un fou. On est parti à Los Angeles pour mixer avec Bob Clearmountain,
chez lui. C'était un pur bonheur.
Question : On parle beaucoup de ta passion de jeunesse pour des chanteurs comme Robert Palmer ou le ska. Mais
pour la guitare, ce n'est quand même pas venu en écoutant "Johnny & Mary" ou "One Step Beyond"...
Réponse :
Ma vraie influence, pour la guitare, vient de Cat Stevens. J'ai repiqué pas mal d'arpèges et je les
arrangés à ma sauce. Là où il jouait assez "linéaire", je rajoutais des syncopes. C'est la seule différence.
Question : Au delà du cliché, dans une tradition confirmée par de nombreux exemples, après le double-live, la
majorité des groupes ou des artistes en profitent pour tourner la page et à passer à d'autres expériences...
Réponse : Pour t'avouer la vérité, aujourd'hui, je serais incapable de
te dire où je vais. Non seulement, je ne le sais pas, mais ça m'importe
peu, en fait. Ce qui m'intéresse avant tout, c'est de prendre plaisir à chaque
fois.
Si je fais un album, que tout le monde l'estime bon, mais que, personnellement,
je n'éprouve aucun plaisir à le réécouter, j'arrêterai. Je n'ai surtout
pas de plan de carrière. J'espère juste ne jamais perdre cette envie de jouer
qui me suit depuis l'âge de treize ans.

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