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Interview
donnée à l'occasion de la sortie de l'album "Best
Of Friends".
Question
:
Ce nouvel album inclut des Inédite enregistrés cette
année. Tout d'abord une version de « Boogie Chilien»
avec Eric Clapton. Pourquoi avoir choisi ce titre?
Réponse
: Réenregistrer «Boogie Chillen> était très spécial
pour moi, parce que c'est le 50ème anniversaire de ce
morceau. Je l'ai enregistré pour la première fois en
1948 à Detroit et il est sorti sur le label de Bernie
Besman, Sensation Records. Au début ce n'était qu'un
hit local, puis Bernie Besman a placé les bandes chez
Modern Records et «Boogie Chillen» s'est vendu à un
million d'exemplaires mais je n'ai jamais touché l'argent
des ventes! Cela m'a quand même permis de me faire connaître...
Question
: Comment s'est passée la collaboration avec Eric Clapton
?
Réponse
: Mike Kappus, le producteur de l'album, savait que
je m'entendais bien avec Eric. Je l'avais rencontré
plusieurs fois et il voulait faire quelque chose avec
moi. Mike Kappus a appelé Eric et lui a proposé de jouer
sur «Boogie Chillen ».Au début son management a dit
non parce qu'il avait un emploi du temps très chargé,
mais finalement c'est Eric lui-même qui a décidé de
venir. On se connaît depuis longtemps, je l'ai rencontré
la première fois en Angleterre pendant les sixties quand
il jouait encore avec les Bluesbreakers de John Mayall.
On s'était assis ensemble et on avait parlé
du old time blues des années trente et quarante. Eric
s'en est souvenu lorsque nous nous sommes retrouvés
pour enregistrer. C'est un musicien qui a beaucoup de
«soul», je n'ai pas eu besoin de lui expliquer quoique
ce soit, il a immédiatement trouvé un riff qui tournait
comme il le fallait. Eric est venu avec l'un de ses
amis, le batteur Jim Keltner, qui joue aussi sur cette
nouvelle version de «Boogie Chillen». Question
: Ben Harper joue sur « Burnin' Hell». Que penses-tu
de lui ?
Réponse
: Ben n'est pas un hard bluesman, je ne sais pas vraiment
comment le définir mais il est bon. Je pense qu'il est
quelque part entre le folk-blues et Jimi Hendrix. Pour
moi, l'important est qu'il est capable de jouer seul
sur scène, c'est un point essentiel pour un bluesman
ou pour n'importe quel artiste. Quand tu es capable
de jouer seul, tu as passé le test en quelque sorte,
tu n'as besoin de personne d'autre, tu es libre. Quand
j'ai entendu Ben jouer pour la première fois, il m'a
littéralement explosé, il était fantastique, il jouait
du Weissenborn.
J'ai connu une phase de ma carrière
où je jouais seul avec une guitare, vers 1959/60, et
c'est à ce moment que j'ai écrit «Burnin' Hell», pendant
ma période folk-blues. Alors j'ai pensé que Ben Harper
était le musicien qui convenait pour ce morceau. Lorsque
nous nous sommes retrouvés en studio pour l'enregistrer,
Ben a d'abord essayé de jouer du Weissenborn, mais le
son ne convenait pas, il était noyé par l'harmonica
de Charlie Musselwhite et par la section rythmique,
alors finalement il a pris une guitare et a trouvé exactement
le son qu'il fallait.
Question
: Tu as dit que Ben n'était pas un hard bluesman...
Réponse
: Well, tous ces jeunes bluesmen ont appris en écoutant
les disques des grands, Muddy Waters, Robert Johnson
ou Tampa Red. II est vrai que c'est beaucoup plus facile
aujourd'hui, il y a même des vidéos qui permettent d'apprendre
directement le style de jeu de tel ou tel guitariste
de blues. Mais ce n'est que la première partie de la
carrière d'un bluesman.
Il faut ensuite jouer
sans cesse et apprendre à alléger la misère des autres
tout en souffrant intensément soi-même, il faut avoir
l'âme, sans cela tu ne seras jamais qu'un «copycat »
(un copieur). Moi, je n'ai jamais appris en écoutant
des disques, on n'avait pas de phonographe à la maison,
je suis entré directement dans le blues en écoutant
mon beau-père jouer dans les juke joints du Mississippi.
Question
: Qu'est ce qui va devenir le blues du 21ème siècle
?
Réponse
: Je ne peux pas répondre à cette question, mais je
pense que le blues sera de toute façon différent, il
ne sera plus jamais le même et il faut que tu comprennes
que des grands talents naturels comme Muddy Waters,
Lightnin' Hopkins ou Jimmy Rogers ne surgissent qu'une
fois. Par contre, ce qui ne change pas, c'est le temps
qu'il faut pour faire un bluesman, celui qu'il faut
pour faire un homme. J'aime bien tous ces jeunes gens
qui font du blues aujourd'hui mais ils auront l'occasion
de changer plusieurs fois d'état d'esprit avant d'être
certains de leur destinée. Le blues est une musique
réelle, il faut en payer le prix.
Question
: Qui sont ceux de la nouvelle génération qui te semblent
vraiment jouer le «low down blues » actuellement ?
Réponse
: Pour cela, il faut descendre au sud de Memphis, il
y a un harmoniciste qui s'appelle Blind Mississippi
Morris et il joue le vrai blues. J'aime bien aussi Super
Chicken, un guitariste-chanteur de Clarksdale, ma ville
natale. Ceux que je viens de te citer ont fait des disques,
mais il y en a beaucoup qui n'ont jamais enregistré.
Question
: Demain, tu vas jouer en concert à l'université de
Stanford, puis le mois suivant au Fillmore de San Francisco,
avec qui ?
Réponse
: Pour le concert de Stanford, j'ai des invités auxquels
je tiens particulièrement. D'abord Eddie Kirkland, que
j'ai rencontré pour la première fois à Detroit pendant
une renthouse-party et qui a ensuite joué avec moi sur
mes premiers disques. Il y aura aussi l'harmoniciste
Charlie Musslewhite, et Elvin Bishop qui était dans
le Paul Butterfield Blues Band, et aussi le pianiste
Johnny Johnson.
Question
: C’était le pianiste de Chuck Berry ?
Réponse
: Non, non, le contraire! Johnny Johnson a engagé Chuck
Berry dans son groupe, le J.J. Johnson Trio en 1952.
Mais ensuite c'est Berry qui est devenu l'homme à succès
et a engagé Johnny Johnson pour jouer sur ses disques.
Johnny Johnson est l'un de mes meilleurs amis et il
joue aussi sur mes derniers albums.
Question
: Une autre de tes partenaires est Zakiya Hooker. Que
penses-tu d’elle ?
Réponse
: C'est ma fille et je l'adore! Elle a eu le courage
de commencer une carrière de chanteuse. J'aime ce qu'elle
fait même si son style est «big band blues», du blues
orchestral plutôt sophistiqué.
Question
: Depuis que Roy Rogers se consacre à sa solo, qui est
le directeur musical de ton groupe, le Coast To Coast
Blues Band ?
Réponse
: Roy Rogers est resté mon ami, il a été avec moi pendant
presque cinq années. Mais c'est moi qui dirige mon groupe
aujourd'hui. Sur scène, mon bras droit est le guitariste
Johnny Lee Schell. C'est à lui que je fais signe pour
les breaks et la fin des morceaux. J'ai formé le Coast
To Coast Blues Band en 1970, quand je me suis installé
en Californie. II y a eu beaucoup de bons musiciens
dans mon groupe, comme le bassiste Geno Skaggs et le
guitariste Luther Tucker, qui est mort l'année dernière.
Question
: De tous les partenaires que tu as eu pendant toutes
cas années, quels sont ceux qui t'ont laissé les meilleurs
souvenirs ?
Réponse
: J'ai été associé avec beaucoup de bons musiciens,
bien que j'aie mis un point d'honneur à prouver que
je pouvais me débrouiller seul. J'ai eu avec moi Eddie
Kirkland, puis les boys de Canned Heat, plus récemment
Santana, Eric Clapton et bien d'autres, mais les deux
que j'ai préféré étaient mon cousin Earl Hooker avec
qui j'ai enregistré un album (Two Bugs And A Roach.
Earl Hooker est décédé en 1970) et T-Bone Walker qui
était mon meilleur ami. Nous avons tourné ensemble dans
les années 60 avec l’American Folk Blues Festival et
il jouait souvent avec moi. C'est T-Bone qui est au
piano sur la version live de «Shake It Baby».
Question
: Tu as usé un nombre impressionnant de guitares. Quelle
est ta préférée ?
Réponse
: Ma guitare préférée ?...C'est la première guitare
électrique que j'ai eu, dans les années 40 à Detroit.
Elle m'avait été donnée par T-Bone Walker qui était
de passage à Detroit. Nous avons jammé ensemble et T-Bone
aimait mon style, parce que j'étais différent de lui.
Il m'a dit : «Il faut que tu joues sur une électrique»
et il m'a donné la guitare de rechange qu'il avait avec
lui en tournée, c'était une Epiphone et c'est resté
ma guitare préférée depuis. Je suis endorseur de la
marque aujourd'hui, il y a un modèle qui porte mon nom.
Question
: Tu as enregistré sous beaucoup d'identités différentes,
Texas Slim, John Lee Anderson, Delta John, The Boogie
Man. Pourquoi ?
Réponse
: C'était au début de ma carrière, après avoir vendu
un million de «Boogie Chillen» en 1948, puis un million
de «Hobo Blues» en 1949, je me suis rendu compte que,
quelques soient les ventes, le seul argent que je verrais
étais celui que je touchais pour les séances. Alors,
je suis allé voir tous les labels de disque et j'ai
signé les contrats sous ces noms. Cela multipliait mes
revenus! Question
: Quel est ton ampli de prédilection ?
Réponse
: Un FenderTwin Black Face, c'est le seul qui convienne
à mon jeu. J'en ai plusieurs, une bonne dizaine, je
les fais tourner en les utilisant en rotation et j'indique
à mon technicien les meilleurs que je veux garder.
Question
: Utilises-tu des open-tunings particuliers ?
Réponse
: Non. Je joue en accordage standard parce que je fais
ces «runs» sur les cordes basses et ils ne sonnent bien
qu'en accordage standard. Quand j'enregistrais en acoustique,
il m'arrivait parfois d'utiliser le «Vestapol » (Mi
ouvert) mais rarement, je préférais mettre un capodastre
et rester en accordage standard.
Question
: Tu jouais sans médiator, avec les doigts et tu as
influencé beaucoup de guitaristes sur ce point. Quand
as-tu arrêté d'utiliser un médiator ?
Réponse
: Je n'ai jamais utilisé de médiator. Le contact direct
sur les cordes, sans intermédiaire, c'est ce qu'il y
a de mieux pour le feeling.

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