Accueil >> Musique >> Interviews >> Marilyn Manson
Marilyn Manson

Chanteur et musicien
Journal gratuit "Metro" - Lundi 12 mai 2003

Question : "The Golden Age Of Grotesque" semble représenter la naissance d'un nouveau personnage, d'un nouveau Marilyn Manson. D'où vient cette transformation ?

Réponse : D'un point de vue créatif, je me suis confronté comme beaucoup d'artistes à cette idée que nous avons tous atteint la fin de l'histoire, qu'il n'était plus possible de créer quelque chose d'original, sinon de tout détruire. Et puis j'ai constaté que ce n'était pas tout à fait vrai, comme l'ont dit dans les années 1910 les fondateurs du mouvement Dada. Ils suggéraient de tout reprendre à zéro, de penser comme les enfants pour qui il n'y a pas de règle, personne pour vous dire de quelle couleur peindre le ciel, ou faire sonner une chanson ! "The Golden Age Of Grotesque" représente pour moi le début d'une ère d'expression, où je n'aurai plus peur d'avoir autant de personnalités qu'il me plaira.

Question : Quelles son vos plus fortes influences en termes de musique et d'image ?

Réponse : Il y a dans ce disque beaucoup de références à des films et à des livres. Je voulais que toutes mes influences transpirent à travers la musique. Mais ce n'est pas simplement un portrait. Je voulais que les gens me suivent, notamment les fans les plus jeunes, ceux qui n'ont pas nécessairement lu les livres d'Oscar Wilde ou d'Antonin Arthaud. Mes autres sources d'inspiration sont par exemples Salvador Dali, son mode de vie, ses gestes étranges, sa manière de se comporter, de prendre la parole en public, mais aussi le Marquis de Sade, et la manière avec laquelle il a été persécuté à cause de son imagination dépravée.

Plusieurs films ont une influence clé : ceux de Fellini, et notamment le film court "Toby Dammit", l'un des meilleurs que j'ai jamais vu; "La vie criminelle D'Archibald de la Cruz" de Luis Bunuel. Un film étrange et très pervers; "Salo ou les 120 journées de Sodom" de Pasolini, principalement parce qu'il est interdit, si tabou. Aux États-Unis, c'est presque impossible de le trouver. Il est moins choquant que très révélateur, très étonnant. Le son, la texture, les atmosphères et les couleurs ont fortement influencé le look du clip de "mOBSCENE", que j'ai réalisé, mais aussi l'atmosphère générale du disque. Le début et la fin, avec des passages très cinématographiques, ont été inspirés par tous ces films.

Question : Et quels sont les musiciens qui vous ont influencé ?

Réponse : Ma musique préférée a toujours été la période berlinoise de David Bowie, et son travail avec Iggy Pop. Mais j'ai aussi beaucoup écouté Cab Calloway, sa manière de placer sa voix. Nous avons aussi essayer d'insérer l'esprit du swing et punk rock des seventies. Je suis allé dans des clubs à Hollywood, où des gens dansent encore le swing pour comprendre toute sa dynamique. Comme le punk, il a eu un impact culturel très fort à son époque.

Question : Votre nouvel album emprunte une partie de l'imagerie nazie : doit-on y voir une nouvelle preuve de l'ambiguïté qui vous caractérise ?

Réponse : L'idée du contrôle face au chaos, de l'autorité face à la rebellion, tout cela fait partie d'une imagerie que j'utilise pour exprimer qui je suis.

Question : En 1998, il devient l'alien Omega pour les besoins de l'album "Mechanical Animals".

Réponse : Il serait ridicule d'y voir une apologie du nazisme. Les années 30 en général m'inspirent et j'ai utilisé le symbole de Berlin car le destin de cette ville m'a rappelé le chemin que j'ai suivi dans ma vie personnelle. Toutes mes relations personnelles ont débuté avec les meilleures intentions...Mais souvent, nous faisons semblant d'être différents pour que l'autre nous aime. La relation se développe, devient passionnante, décadente et extrême. Et l'autre tente de vous changer à tout prix.

Je crois aussi qu'il était approprié pour un artiste américain de se servir de cette période de l'histoire car beaucoup de gens aux États-Unis l'ignorent alors qu'elle est aussi la leur, d'une certaine façon. Vous savez...ma manière d'être patriote, ce n'est pas d'être d'accord avec le gouvernement, avec notre président quel qu'il soit. C'est plutôt d'être un artiste, car nous représentons la démocratie et la liberté d'expression.

Question : Est-ce plus intéressant d'être un artiste sous l'administration Bush que sous l'administration Clinton ?

Réponse : C'est plus intéressant car votre instinct créatif est beaucoup sollicité. Avec les démocrates, il n'y a pas de limites, c'est plus insidieux. Avec les républicains, tout est plus évident, c'est presque un jeu d'enfant de les embêter. Attention, je n'aurais pas préféré vivre dans le Berlin des années 30, mais des parallèles peuvent être dressés aujourd'hui. C'est à la fois drôle et étrange de regarder les infos et de voir les gens comparer George Bush et Saddam Hussein à Hitler! Car rappelez-vous que l'histoire est toujours écrite par les vainqueurs et que le nom du méchant dépend de celui qui vous raconte l'histoire.

Question : Doit-on envisager Marilyn Manson comme un artiste ou comme un produit ?

Réponse : Vous savez que je suis autant Walt Disney que Mickey Mouse...Les deux personnages ont leur vie propre. Mais Marilyn Manson est quelque chose que j'ai créé afin d'exprimer ce que je suis vraiment. Et maintenant c'est ce que je suis. Je ne pourrais revenir en arrière en aucune façon. Marilyn Manson représente ma créativité, ma liberté de dire tout ce que je pense et de montrer tous les extrêmes, à travers l'image et la musique.

Question : Lorsqu'il a adapté "Crash" de J.G. Ballard, au cinéma, David Cronenberg déclarait que le rôle d'un artiste était de remettre en question la notion de beauté. Est-ce aussi ce que vous essayez de faire ?

Réponse : J'essaie de m'attaquer aux deux extrêmes, la beauté et la laideur. Je suis un grand fan de "Crash", du film et le livre, de toute l'oeuvre de Ballard d'ailleurs. Son univers est étonnant et il m'a beaucoup inspiré. Il observe les choses et découvre quelque chose de terriblement mauvais et laid là où la plupart voient de la beauté, et l'inverse bien sûr. Je crois que ce devrait être le rôle de tous les artistes, oui. Peu importe s'il le font de manière extrême, ou beaucoup plus subtile.

Question : Votre but, alors, est-il de soutenir les gens, de les rendre peut-être plus heureux ?

Réponse : Certains plus heureux et d'autres très mécontents! Mais non, je ne cherche pas à rendre les gens malheureux, j'essaie juste de partager mon inspiration avec eux et, d'une certaine manière, je dois avoir envie de leur faire partager mes sentiments. Aujourd'hui, je ne suis pas triste. Même si je l'ai été à une autre époque.

Question : Qu'est-ce qui pourrait vous choquer ?

Réponse : Certaines choses, comme tout le monde...Parlons de cinéma français. Quand j'ai vu "Irréversible", beaucoup de gens étaient choqués par la scène du viol, alors que j'étais beaucoup plus sensible à la scène d'ouverture où Vincent Cassel tue ce type. J'ai même été plus choqué lorsque le travesti soulève sa jupe et montre son pénis. Pas parce que c'est mal, mais parce que c'était surprenant !

J'aime être surpris. Dans notre culture, si quelque chose est choquant, c'est positif. Si vous faites quelque chose dont les gens se souviennent assez pour en reparler après, c'est même très positif. Il y a tellement d'images horribles à la télévision, y compris aux infos, qu'on peut facilement être désensibiliser et s'ennuyer. Le monde n'est pas plus violent ou choquant qu'auparavant. Il est juste plus télévisé.


touche F11 pour le plein écran !! - Résolution 800 x 600

Accueil | Musique | Excel | Liens Web | Contact !! |