Souad Massi

Question : Après le succès de "Raoui", avez-vous eu l'appréhension du deuxième album?

Réponse : Moi qui aime un groupe comme U2, je croyais qu'il sonnerait plus rock. Je l'ai composé dans ce sens, mais au fur et à mesure que l'on avançait vers la date d'enregistrement, j'ai entendu d'autres arrangements. Et j'ai suivi mon instinct.

Question : Vous avez bénéficié d'une grande liberté ?

Réponse : Totale. Nous étions dans un studio en Belgique. Il y avait une piscine, mais je n'en ai pas profité, car j'ai peur de l'eau. Mon directeur artistique m'a laissé libre. Mais, évidemment, je sollicitais l'avis de mes musiciens.

Question : Pourquoi cet intérêt pour les arrangements arabo-andalous ?

Réponse : Quand je suis en colère, je ne crie pas, je suis plutôt calme. Voilà pourquoi j'ai choisi l'arabo-andalous. On y trouve un beau désenchantement. Comme dans la musique africaine, avec ses chansons super-rythmées, mais tristes.

Question : Quand avez-vous appris à jouer de la guitare ?

Réponse : Mes frères, mes cousins, jouaient de la guitare. J'étais vexée, car on me disait que cet instrument était réservé aux garçons. Mon frère a fini par m'apprendre, mais en se moquant de moi. On s'est fâchés, car j'étais très sensible, puis il m'a inscrite à un cours de guitare classique. J'avais dix-sept ans. Je viens d'une famille pauvre où l'on avait à peine de quoi manger. Alors, des cours de guitare...Je me suis améliorée grâce à la scène. Car je suis une fainéante, je ne travaille ni la guitare ni la voix.

Question : Que pensez-vous de l'année de l'Algérie ?

Réponse : Que fait le pouvoir algérien pour ses artistes, à part de donner des millions d'euros afin de présenter une belle façade comme l'Année de l'Algérie en France ? Certains intellectuels s'enthousiasment pour cette manifestation, en oubliant nombre d'écrivains morts. Je connais certaines chanteuses qui sont devenues femmes de ménage parce que le statut de l'artiste n'existe pas là-bas.

Question : Pensez-vous aller chanter là-bas ?

Réponse : Pourquoi irais-je ? Mes disques sont piratés. Bien sûr, j'en ressens une certaine culpabilité. J'aurais aimé pouvoir être seule là-bas, sur une terrasse, en train de boire un café tranquillement, mais c'est impossible pour une femme, sans être draguée ou insultée. Et pourtant, c'est un beau pays.

Question : Et les Etats-Unis ?

Réponse : J'ai refusé une tournée aux Etats-Unis. Avec tous les contrôles, j'ai l'impression d'être considérée comme une criminelle. Je n'irai pas tant que Bush sera au pouvoir.