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Alanis Morissette

Chanteuse et guitariste
Guitarist Magazine n°156 - Mai 2003

Question : Est-ce facile d'être une femme musicienne, et la patronne de surcroît, au sein de groupe de mecs ?

Réponse : Bien sûr, si cela se passe mal, je les vire tous... Plus sérieusement, je me suis entouré de garçons qui n'adhèrent pas à ce machisme idiot de ne pas vouloir être commandé par une femme. Je me contente de bien faire mon métier et de leur demander poliment ce que j'attends d'eux.

Je n'exige rien en leur criant dessus. Je me suis fait respecter en écrivant de bonnes chansons, en les intéressant du mieux possible sur une scène et en gardant ma tête sur les épaules. Je ne suis ni un dictateur ni un monstre, j'explique juste ce que je désire le plus courtoisement possible.

Nous travaillons tous dans le même sens, celui de la musique et non celui de mon ego. Je les encourage dans ce sens.

Question : N'est-ce pas trop usant de vivre dans un tel milieu de machos ?

Réponse : J'ai mes moments...Mais l'existence est ainsi faite aussi. Plus jeune, cela m'exaspérait et je voulais créer de la musique en étant seulement entourée de femmes, mais en vieillissant, j'ai compris que cette démarche se révélait aussi stupide que celle des hommes ne voulant rester qu'entre eux pour continuer à rester de vrais machos simples d'esprit.

Question : As-tu des relations professionnelles avec d'autres femmes dans ce métier ?

Réponse : Oui, j'aime bien leur sensibilité et leur manière de se dépasser dans l'essentiel que les hommes ne partagent pas. J'adore et j'ai besoin des deux sexes pour me sentir bien dans la vie.

Question : As-tu la sensation, comme c'est le cas dans d'autres corporations, d'avoir eu besoin d'en démontrer davantage pour parvenir à gagner le respect de tes congénères masculins ?

Réponse : Bien sûr que j'ai dû me battre plus que n'importe quel homme, mais je ne m'en suis jamais offusquée pour autant. Je demeure une combative de nature, j'aime la vie et défends la mienne. C'est bien évidemment plus usant, mais tellement plus constructif au final de se surpasser à chaque instant.

Je ne pense pas qu'il faille néanmoins se focaliser sur cela, cette démarche constitue le lot de bon nombre de personnes, je ne suis pas unique dans ce cas. Le monde est macho et risque de le rester longtemps.

Question : Les hommes décident de devenir musiciens pour accumuler les conquêtes à travers le monde. Et toi, cette idée de faire des rencontres t'a-t-elle traversé l'esprit ?

Réponse : Ah que non, je n'ai jamais dû faire ce métier pour me faire draguer par bonheur!!! J'ai choisi ce métier parce que je l'aime. Il est vrai néanmoins, que d'être très souvent sur la route, de ne pas avoir de famille, ou de ne pas la voir souvent, et de changer de lit chaque soir, n'est pas une vie des plus équilibrantes.

Je comprends que les hommes recherchent un équilibre dans un domaine qui les rassure, mais une femme n'a pas besoin de cela. Elle peut se passer de ce type d'assurance. Je n'apprécie pas plus d'être éloignée des miens, mais j'aime tellement jouer de la musique avec et pour les autres que mon choix, je l'assume.

Plus jeune, mon ego me poussait vers ce métier pour cette reconnaissance illusoire. Aujourd'hui, je vis ce job autrement. Je ne recherche pas les mêmes choses, ni les mêmes fondamentales que les hommes...Je me contente de ce partage que m'offre la musique avec les gens, de cet échange d'humanisme dont j'ai besoin et pour lequel je vis.

Question : Te considères-tu comme une excellente guitariste ?

Réponse : Non, pas vraiment! Je me considère même comme une terrible guitariste...Je m'accompagne et je crée mes chansons, la plupart du temps, avec la guitare. J'adore cette instrument, mais je le vénére lorsqu'il est utilisé par des virtuoses comme Joni Mitchell, Eric Clapton, Ben Harper. Je suis loin de leur talent à la six cordes. Je me suis bien plus présentée comme chanteuse mélodiste.

Question : Que représente-t-elle pour toi ?

Réponse : Elle fait partie de moi. Elle se révèle mon amie et me permet de retranscrire les idées musicales que j'ai dans la tête. Si j'ai envie d'une mélodie agressive, ou d'une musique acoustique particulière, je serais satisfaite d'avoir une guitare à portée de main.

Question : Préfères-tu la guitare électrique ou acoustique ?

Réponse : L'électrique je pense, mais ne me demande pas pourquoi. Je peux jouer facilement des deux avec autant de feeling et de puissance s'il le faut, mais j'ai une préférence qui ne s'explique pas pour l'électrique. Peut-être parce que j'adore les amplis Marshall !!!

Question : Quelles sont les choses dont tu es la moins fière ?

Réponse : L'environnement qui nous entoure qui nous pousse parfois vers de mauvaises directions. Cependant, ceci nous apporte la connaissance et l'expérience qui nous fait avancer par la suite. Je peux clamer sans honte que je reste fière de tout, même de mes erreurs.

J'ai choisi un métier qui met de côté ma vie personnelle, l'une des choses dont je suis le moins fière, néanmoins, je l'ai choisi et je le vis très bien. Je ne changerais rien de ma vie, vraiment rien !

Question : Qu'est-ce qui te rend triste dans la vie ?

Réponse : Dès que je me sens déconnectée du public, de mes musiciens, de ma famille, de la planète, de la nature dans mon quotidien. Sans oublier de celui qui rend forte par l'amour qu'il me donne. Dès que je me sens déconnectée de moi-même, de mon énergie intime, j'ai même l'impression d'être déconnectée de mon monde, de me sentir comme un animal. Je déteste cela, je me déteste encore davantage dans ces moments-là.

 


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