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The Rolling Stones

Groupe de rock
Guitar Part n°103 - octobre 2002
 

Interview de Keith Richards donné à l'occasion de la sortie d'un double CD des Stones "40 Licks"

Question : Vous souvenez-vous quand vous avez commencé à voir apparaître des groupies "professionnelles" ?

Réponse : Oh oui, ça devait être en 1966 ou 1967. Je me souviens notamment des "Butter Queens" (Reines du beurre). Il y avait de vrais équipes de nanas, prêtes à se conduire comme des groupies professionnelles. Apparemment, elles étaient capables de faire énormément de choses avec du beurre...

Je les voyais souvent tourner autour de nous, mais j'avais pris l'habitude de les éviter comme la peste. Du coup, elles ne m'ont jamais rien fait avec du beurre.

Une autre "équipe" avait pris de drôles d'habitudes : "Hey, on a un moule en plâtre des parties de Robert Plant. Tu veux ajouter les tiennes à notre collection ?" Non, non, je n'ai jamais voulu faire partie de la collection de personne !

Question : Les Stones ont-ils été les pionniers en matière de riffs avec des chansons telles que Satisfaction ou The Last Time, quels ont été les premiers titres à avoir pour base une accroche guitaristique ?

Réponse : Je ne sais pas. Parfois, c'est assez facile de se laisser porter par des théories qui flattent ce que tu as pu faire ou inventer. Quand j'ai écrit Satisfaction, je ne pensais pas à écrire le riff suprême. Je ne pensais pas du tout en ces termes.

Tout s'est déclenché quand Gibson m'a donné une des toutes premières pédales, la Fuzztone. C'était un nouveau gadget offert par un revendeur local.

En fait, à la base, je ne pensais pas du tout à un riff de guitare sur Satisfaction, plutôt à un riff de trompette. La manière dont Otis Redding a fini par l'interpréter est sûrement plus proche de ma conception originale de la chanson.

Quand j'ai eu la fuzztone, je me suis dit : "Tiens, c'est parfait pour imiter la ligne de trompette à laquelle je pense." On a donc laissé la piste en suspens parce que, dans mon esprit, on reviendrait pour poser la trompette. On est reparti en tournée...

Mais deux semaines plus tard, j'entends la chanson à la radio. Et je dis : "Mais c'est juste une démo!" Et on m'a répondu : "Non, c'est un tube !"

Mais au moins, Otis a eu raison...Satisfaction a au moins servi de démo à Otis ! A l'époque on enregistrait tout sur quatre pistes, il n'y avait pas de : "Tiens, si on rajoutait des violons !" A la base, il fallait jouer dans le studio. Le seul choix possible était soit de garder la prise, soit de l'effacer pour la recommencer.

Tout ceci a changé très vite, bien sûr, on est passé à huit, seize et bientôt vingt-quatre pistes en l'espace de quelques années. Tout le monde essayait alors d'utiliser un maximum de pistes. Pour autant, les disques ne sonnaient pas mieux, et ils étaient plus longs à faire.

Question : "Let It Bleed" fut le dernier album à inclure la participation de Brian Jones. Après tout ce que vous aviez traversé l'un l'autre, était-ce difficile de le voir quitter le groupe ?

Réponse : Oui naturellement. J'ai quand même eu beaucoup de bons moments avec Brian. C'était un musicien extraordinaire, un type avec qui il était très agréable de jouer. Spécialement en tant que guitariste. La virtuosité, c'est bien, mais mon truc, ça a toujours été de rechercher l'alchimie entre deux guitaristes, voire trois ou quatre.

Si tu tombes sur le bon mec, tu peux déjà sonner comme un groupe. Et quand tu as connu ça avec quelqu'un, c'est toujours une souffrance de voir partir cette personne...Mais Brian était devenu impossible. Il avait vraiment dépassé les bornes. On n'en était plus à : "Il boit décidément trop" ou "Il prend trop de drogue", on le sentait prêt, voire décidé, à se tuer d'une manière ou d'une autre.

Je crois qu'il voulait être Mick Jagger et qu'il ne comprenait pas qu'il ne pourrait jamais le devenir. Ceci l'a emporté. Il cherchait des noises à tout le monde, y compris à lui-même. Je ne pense pas qu'il appréciait le confort, il le refusait, quitte à ce que ça le conduise à la mort.

C'était devenu tellement insupportable, qu'on a été obligé de le virer...Une tâche pourrie! Surtout qu'il fallait aussi préserver le groupe. On a dit à Brian : "Si tu n'y mets pas du tien, tu te mets hors-jeu, mec. Si tu n'es pas là quand on travaille, ou si tu es là mais complètement défoncé, on ne peut plus travailler ensemble..."

C'était un peu le syndrome des Beach Boys...Il a répondu : "Oh, ne vous inquiétez pas pour moi, j'ai mes plans perso, de nouveaux projets, vous savez." Personne ne pouvait alors se douter qu'il serait mort quelques mois plus tard.

Question : Avez-vous atteint la même symbiose avec Mick Taylor ?

Réponse : C'était très différent d'avec Brian, bien sûr. J'avais pas mal de choses à reconsidérer, des points qui devaient à nouveau retenir toute ma concentration. Mais Mick est un guitariste brillant, gentiment sophistiqué, avec une énergie très...douce et un grand sens de la mélodie.

Je n'ai jamais compris pourquoi il avait quitté les Stones. Je lui en ai parlé à plusieurs reprises et je pense qu'il était convaincu de pouvoir s'épanouir à l'extérieur du groupe. Il voulait être producteur, écrire des choses, et pas qu'un simple exécutant. Il voulait grandir par lui-même, s'accomplir.

C'était une décision dénuée de bon sens à l'époque, mais très mûrement réfléchie : quitter les Stones pour faire autre chose...Je ne voulais pas le voir partir. On avait eu le chance de trouver un nouveau guitariste après Brian, Mick et moi travaillions très dur à l'époque, ça m'a mis un coup, je me suis dit : "Oh, non. Pas encore..."

Mick Taylor était vraiment un type très timide. Je pense qu'il ne se laissait pas apprivoiser très facilement. Le lien le plus intime que j'ai eu avec lui, c'était en jouant de la guitare. Je veux dire, je le connaissais, c'était un bon camarade. Mais il y a toujours eu une retenue. Mick est un guitariste fantastique, mais il a découvert assez difficilement que c'est tout ce qu'il était.

Question : Une partie du travail le plus apprécié des Rolling Stones a été effectué alors que vous étiez au plus profond de votre dépendance à l'héroïne. Et ce n'est pas comme si vous étiez un side-man, votre rôle au sein du groupe était prépondérant, particulièrement sur "Exile On Main Street".

Réponse : Vous voyez (il soulève son verre), je n'arrive même pas à me saouler...Je suis intoxiqué. Je peux prendre tout ce que je veux, je ne serais jamais saoul. Tout ce que j'ai écrit et composé dans les seventies, alors que j'étais complètement accroc, je n'aurais jamais fait mieux en étant complètement "straight".

Musique et drogues, je n'arrive pas à établir une corrélation...Il y a d'un côté ce que tu fais sortir de toi, et de l'autre côté ce que tu fais entrer en toi. Je ne pense pas que cela ait influencé ma manière d'appréhender la musique.

Tout ceci est à dissocier. Je voulais surtout conserver mon équilibre intérieur, je n'ai jamais rien calculé, et une fois que tu es dépendant, il est très difficile de s'en sortir. Mais ça n'est pas impossible. Ce n'est pas comme si on vous enlevait une jambe définitivement...

Question : Quand vous êtes sorti de votre dépendance au début des années 80, quel effet cela vous a-t-il fait d'affronter une foule libéré pour la première fois depuis des années ?

Réponse : C'était incroyable. Je pense que ce sont surtout des gens présents dans mon entourage et dans celui du groupe que je ne voulais pas affronter, mais pas le public. J'ai toujours adoré ce contact. D'ailleurs, j'étais rarement dépendant en tournée, je faisais le nécessaire pour être clean avant de partir.

En fait, je ne voulais avoir à me battre pour trouver de la drogue dans des villes que je ne connaissais pas. Ce qui m'a induit en erreur dans un certain sens, parce que j'étais persuadé de pouvoir m'arrêter quand je le souhaitais. Mais bien sûr, quand la tournée s'arrêtait, je me disais : "Ah, c'est le moment de se relaxer." Et je replongeais brutalement. Je ne réprime pas complètement la dope, mais il ne faut pas sombrer dedans. Et si tu es déjà dedans, il faut absolument t'en sortir...

Question : Quelles chansons vouliez-vous voir figurer sur "40 Licks" pour représenter les années 80 ?

Réponse : Période difficile. C'est pourquoi vous ne trouverez pas grand chose des années 80 dessus...

Question : Comme vous dites, période difficile pour les Stones...

Réponse : Pour moi particulièrement, parce que j'avais été sous drogues pendant une grande partie des années 70. Et j'avais laissé Mick reprendre le contrôle des Stones au quotidien. Il était en train de subir le même syndrome que Brian. Lorsque je m'en suis sorti, j'ai dit à Mick : "Je peux à nouveau t'aider. Laisse-moi porter une partie du fardeau."

Mick a cru que je voulais reprendre le contrôle total, l'éloigner du pouvoir, ce qui n'était pas vraiment le cas. Il s'était persuadé de ça et ne voulait pas s'en démordre. J'ai eu une période très délicate avec Mick au début des années 80. Cela a donné des chansons telles que "All About You" ou d'autres plus nombreuses sur les disques des -Winos- (le side-project de Keith, the X-pensive Winos).

Le point culminant se situe en 1985, à la fin de "Dirty Work", qui a été notre troisième guerre mondiale. Il était tellement hautain avec tout le monde que c'était juste devenu inacceptable à mes yeux. Alors on s'est dit : "Ok, on fait un break pour voir ce que chacun est capable de faire par ses propres moyens."

Je pense que tout le monde, à la possible exception de Mick lui-même, a retenu la leçon suivante : Mick Jagger est bon lorsqu'il est avec les Rolling Stones. Mais quand il est seul, personne n'en a rien à foutre...Qu'il comprenne le message ou non. Mais il le comprend, sinon il ne serait pas sur ce projet...

Question : Quel est votre avis sur Mick en tant que guitariste ?

Réponse : Au niveau rythmique, à l'acoustique, c'est un bon. Je ne l'ai jamais laissé s'approcher d'une électrique si je pouvais faire autrement. Il est comme Bob Dylan. Pareil. Aucune sensibilité pour l'électrique...

 


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