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Uli Jon Roth

Guitariste, compositeur et arrangeur
Guitarist Magazine n°164 - Février 2004

Entretien accordé par le guitariste à l'occasion de sa reprise sur scène des "Quatre Saisons" de Vivaldi.

Question : N'est-ce pas de la folie de reprendre un tel répertoire ?

Réponse : Non, j'ai toujours aimé la musique classique et j'ai toujours eu à l'esprit de lui rendre hommage un jour. Je savais bien que ce type d'aventure allait me demander un travail considérable, mais je n'ai jamais eu peur de me défoncer au boulot. Une telle expérience permet à tout musicien de se dépasser. J'admets que cela peut être effrayant au départ, mais une fois que le processus est enclenché, la passion prend vite le dessus.

Question : Comment es-tu parvenu à rendre cet exploit possible ?

Réponse : A force de travail et de rigueur. Un répertoire classique ne se travaille pas comme une chanson rock, pop ou variété. Il demande une rigueur extrême. Le moindre faux pas et tu rates tout... A l'époque de Vivaldi, la guitare n'existait pas, ce qui complique la démarche d'inclure un instrument inexistant à l'époque. Il n'y avait pas d'équivalent dans son oeuvre. Il a donc fallu repenser toute son oeuvre et insérer la guitare sans dénaturer le travail original.

Si tu écoutes bien, mise à part la guitare, je n'ai rien changé du tout. Pour le concert, les musiciens avaient une partition de Vivaldi avec ma grille ajoutée. En aucun cas, je me serais permis de travestir la magnifique oeuvre de Vivaldi. Tout au plus, je me suis octroyé la permission d'y apporter une vision personnelle qui, je l'espère, n'a choqué personne.

Question : Après Hendrix, tu t’attaques à Vivaldi. Tu spécialises dans le défunt?

Réponse : Non, mais je dois bien admettre que je suis un inconditionnel de certain artistes et que malheureusement, pour la plupart, ils sont décédés. Je n'ai jamais accepté une étiquette quelle qu'elle soit. Je suis parti du groupe Scorpions alors que nous commencions à humer la gloire. J'ai choisi, à ce moment-là, une carrière plus artistique et plus modeste juste histoire de ne pas sombrer dans le tourbillon du succès qui a toujours été néfaste pour la création.

Il suffit de constater l'excellent travail de compositeurs comme Mozart, Beethoven, Vivaldi et d'autres pour comprendre que l’absence de médiatisation leur a permis de se concentrer sur l'essentiel de leur travail : la musique. Lorsque tu deviens une star du "show business", tu passes les trois quarts de ton temps à ne pas faire de musique, mais à parler de musique et à disserter sur des questions existentielles qui t'éloignent de ta démarche initiale, faire de la musique. Et souviens-toi de ce dicton : Ce sont ceux qui en parlent le plus qui en font le moins...

Question : Certes, mais avec le nombre d’artistes qui sortent en même temps de nos jours, la médiatisation se révèle parfois nécessaire !

Réponse : Oui, pour les gens qui n'ont pas de talent. Regarde les plus grands, McCartney, Bowie, Prince, ils n'ont pas besoin de se compromettre pour vendre des disques; seules les étoiles filantes comme les boys bands et aujourd'hui les vainqueurs des émissions de télé réalité nécessitent d'être matraqués pour vendre. La preuve, dès qu'une nouvelle vague arrive, combien d'entre eux survivent ?

Question : Tu as une vision très marginale du métier, est pour cette raison que tu as eu besoin de te marginaliser encore davantage en prenant un risque aussi évident ?

Réponse : Non, je n'ai jamais eu de plan de carrière, je suis toujours là où j'ai envie d'être, mais il est vrai, jamais là où l'on m'attend. Mais n'est-ce pas cela le propre de la création et la vie d'un artiste ?

Question : Reprendre une telle oeuvre a-t-il eu des conséquences sur ton jeu de guitare ?

Réponse : Evidemment. J'ai dû retravailler mon approche de l'instrument. J'ai dû recommencer à interpréter certaines parties à un tempo très bas pour habituer mes doigts à être en place et en mesure. J'ai passé des semaines entières pour parvenir à un tel résultat. Jouer des accords barrés est à la portée de tout idiot, mais jouer du classique ne l'est absolument pas du tout !!! Je mets au défi tout guitariste se prenant pour un virtuose de réaliser une telle expérience sans en ressortir complètement changé. Je relève tout de suite le pari !

Question : Jouer sur une guitare 7 cordes t'a-t-il permis de te faciliter cette démarche ?

Réponse : Sans aucun doute, j'ai dû aller chercher des notes que seul un piano peut interpréter et que par conséquent une guitare six cordes ne pourra jamais atteindre. Une sept cordes te permet d'avoir un spectre technique plus large et donc de trouver des notes et des ambiances plus proches du monde classique.

Question : As-tu une envie aussi grande de laisser une empreinte d’artiste incompris et puriste de ton passage dans le monde musical pour reprendre Hendrix ou Vivaldi ?

Réponse : Non, je ne te suivrai pas dans cette direction. Je ne suis pas aussi mégalo que tu l'imagines. J'aime la musique et je veux me faire plaisir, c'est tout ! Pour le reste, ma carrière démontre que je n'ai jamais rien cherché de ce genre. Je ne tiens pas à être starifié ni adulé, je veux juste que la musique, la mienne ou celle des autres, soit appréciée et reconnue.
 


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