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Entretien
accordé par le guitariste à l'occasion de sa reprise
sur scène des "Quatre Saisons" de Vivaldi.
Question
: N'est-ce pas de la folie de reprendre un tel répertoire
?
Réponse
: Non, j'ai toujours aimé la musique classique et
j'ai toujours eu à l'esprit de lui rendre hommage
un jour. Je savais bien que ce type d'aventure allait
me demander un travail considérable, mais je n'ai
jamais eu peur de me défoncer au boulot. Une telle
expérience permet à tout musicien de se dépasser.
J'admets que cela peut être effrayant au départ,
mais une fois que le processus est enclenché, la
passion prend vite le dessus. Question
: Comment es-tu parvenu à rendre cet exploit possible
?
Réponse
: A force de travail et de rigueur. Un répertoire
classique ne se travaille pas comme une chanson
rock, pop ou variété. Il demande une rigueur extrême.
Le moindre faux pas et tu rates tout... A l'époque
de Vivaldi, la guitare n'existait pas, ce qui complique
la démarche d'inclure un instrument inexistant à
l'époque. Il n'y avait pas d'équivalent dans son
oeuvre. Il a donc fallu repenser toute son oeuvre
et insérer la guitare sans dénaturer le travail
original.
Si tu écoutes bien, mise à part
la guitare, je n'ai rien changé du tout. Pour le
concert, les musiciens avaient une partition de
Vivaldi avec ma grille ajoutée. En aucun cas, je
me serais permis de travestir la magnifique oeuvre
de Vivaldi. Tout au plus, je me suis octroyé la
permission d'y apporter une vision personnelle qui,
je l'espère, n'a choqué personne.
Question
: Après Hendrix, tu t’attaques à Vivaldi. Tu spécialises
dans le défunt?
Réponse
: Non, mais je dois bien admettre que je suis un
inconditionnel de certain artistes et que malheureusement,
pour la plupart, ils sont décédés. Je n'ai jamais
accepté une étiquette quelle qu'elle soit. Je suis
parti du groupe Scorpions alors que nous commencions
à humer la gloire. J'ai choisi, à ce moment-là,
une carrière plus artistique et plus modeste juste
histoire de ne pas sombrer dans le tourbillon du
succès qui a toujours été néfaste pour la création.
Il suffit de constater l'excellent travail
de compositeurs comme Mozart, Beethoven, Vivaldi
et d'autres pour comprendre que l’absence de médiatisation
leur a permis de se concentrer sur l'essentiel de
leur travail : la musique. Lorsque tu deviens une
star du "show business", tu passes les
trois quarts de ton temps à ne pas faire de musique,
mais à parler de musique et à disserter sur des
questions existentielles qui t'éloignent de ta démarche
initiale, faire de la musique. Et souviens-toi de
ce dicton : Ce sont ceux qui en parlent le plus
qui en font le moins...
Question
: Certes, mais avec le nombre d’artistes qui sortent
en même temps de nos jours, la médiatisation se
révèle parfois nécessaire ! Réponse
: Oui, pour les gens qui n'ont pas de talent. Regarde
les plus grands, McCartney, Bowie, Prince, ils n'ont
pas besoin de se compromettre pour vendre des disques;
seules les étoiles filantes comme les boys bands
et aujourd'hui les vainqueurs des émissions de télé
réalité nécessitent d'être matraqués pour vendre.
La preuve, dès qu'une nouvelle vague arrive, combien
d'entre eux survivent ?
Question
: Tu as une vision très marginale du métier, est
pour cette raison que tu as eu besoin de te marginaliser
encore davantage en prenant un risque aussi évident
? Réponse
: Non, je n'ai jamais eu de plan de carrière, je
suis toujours là où j'ai envie d'être, mais il est
vrai, jamais là où l'on m'attend. Mais n'est-ce
pas cela le propre de la création et la vie d'un
artiste ? Question
: Reprendre une telle oeuvre a-t-il eu des conséquences
sur ton jeu de guitare ?
Réponse
: Evidemment. J'ai dû retravailler mon approche
de l'instrument. J'ai dû recommencer à interpréter
certaines parties à un tempo très bas pour habituer
mes doigts à être en place et en mesure. J'ai passé
des semaines entières pour parvenir à un tel résultat.
Jouer des accords barrés est à la portée de tout
idiot, mais jouer du classique ne l'est absolument
pas du tout !!! Je mets au défi tout guitariste
se prenant pour un virtuose de réaliser une telle
expérience sans en ressortir complètement changé.
Je relève tout de suite le pari !
Question
: Jouer sur une guitare 7 cordes t'a-t-il permis
de te faciliter cette démarche ?
Réponse
: Sans aucun doute, j'ai dû aller chercher des notes
que seul un piano peut interpréter et que par conséquent
une guitare six cordes ne pourra jamais atteindre.
Une sept cordes te permet d'avoir un spectre technique
plus large et donc de trouver des notes et des ambiances
plus proches du monde classique.
Question
: As-tu une envie aussi grande de laisser une empreinte
d’artiste incompris et puriste de ton passage dans
le monde musical pour reprendre Hendrix ou Vivaldi
?
Réponse
: Non, je ne te suivrai pas dans cette direction.
Je ne suis pas aussi mégalo que tu l'imagines. J'aime
la musique et je veux me faire plaisir, c'est tout
! Pour le reste, ma carrière démontre que je n'ai
jamais rien cherché de ce genre. Je ne tiens pas
à être starifié ni adulé, je veux juste que la musique,
la mienne ou celle des autres, soit appréciée et
reconnue.

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