*

 

 

 

 

 

 

 

 

Accueil >> Musique >> Interviews >> Eric Serra
Eric Serra

Bassiste
Guitarist Magazine n°151 - Décembre 2002

Question : La musique du film "Décalage horaire" se révèle très différente de tes autres B.O.F. As-tu ressenti des frustrations comme bassiste, pour mettre cet instrument plus en avant cette fois?

Réponse : Oui, il y en a une petite du fait que je n'ai pas souvent l'occasion de jouer de ma basse fétiche. Mais ce n'est pas non plus ce qui décide mes choix. Si le film ne s'y prête pas, je ne le fais pas. Pour cette fois, il se trouve que les images me permettaient de revenir à mes premiers amours avec la basse et la guitare. Je me suis vraiment défoulé...

Question : A ce point là...

Réponse : Complètement! Pour le titre d'ouverture, qui est d'ailleurs le premier que j'ai enregistré, tu trouves une superbe partie de basse qui te fait bien comprendre que j'ai été très frustré de ne pas en avoir joué aussi souvent que je l'aurais voulu. J'en suis assez content, mais je me suis lâché comme un sauvage...Elle prend une vraie place dans la musique.

Question : As-tu la sensation d'être lié à Luc Besson comme le compositeur de "Phantom Of The Paradise"?

Réponse : Je n'ai jamais été emmuré et je ne suis pas exclusif, sinon là, je serais vraiment le "Phantom Of The Paradise"...Je serais davantage à Luc Besson ce que Ennio Morricone est à Sergio Leone! Nous sommes clairement associés, mais je n'ai aucun contrat d'exclusivité, ni lien d'esclavage qui me rattache à lui (rires). Pour preuve, la musique de "Rollerball" et de "Goldeneye". Rien ne m'a jamais empêché de travailler avec d'autres réalisateurs, si ce n'est mon emploi du temps que je me suis infligé. Chacun vit sa vie !

Question : En as-tu marre de cette image de compositeur de musiques de films qui te colle à la peau ?

Réponse : C'est la vérité en même temps ! Ma vie de compositeur de BOF je la revendique totalement. Je trouve juste réducteur et frustrant que peu de gens sachent que je suis aussi instrumentiste, et qu'ils ignorent que j'ai eu une vie artistique avant "Le Grand Bleu". Tant que je ne referais pas de la scène, le grand public ne le saura pas. Il est vrai, j'en souffre, mais je ne peux pas m'en plaindre, si j'en suis arrivé à cette situation, ce n'est que de ma faute. J'adore autant la scène que d'être en studio.

Question : Être l'éternel compositeur du "Grand bleu," pour le public, comment le vis-tu?

Réponse : Je trouve cela agaçant, mais cela ne va pas plus loin. Cela fait déjà 15 ans, alors j'ai l'impression que tout ce que j'ai fait après doit être nul pour que les gens ne se souviennent que de cela... "Le Grand Bleu" est devenu un film culte, et les 3 millions de disques vendus en sont aussi la preuve. Si la plupart des gens qui possèdent tout au plus une quarantaine d'opus, se sont offert la musique du "Grand bleu", je comprends que je ne sois que cela pour eux... Ils ne connaissent que ce qui est vraiment populaire. J'ai quand même vendu plus d'un million de disques avec " Goldeneye " et "5ème élément ". En fait, cela me fait plus réagir sur les gens que sur moi-même.

Question : Depuis plus de 20 ans. tu n'as pas rejoué en groupe, cela te manque-t-il ?

Réponse : Terriblement. Jusqu'à ce que j'arrête de jouer avec Jacques Higelin, j'étais vraiment le plus heureux des hommes. Je ne me posais aucune question, j'étais juste très bien. Depuis tout môme, je joue de la musique et je n'ai jamais réalisé le bien être que cela m'avait apporté et surtout d'où venaient toutes ces superbes vibrations. Depuis que j'ai réorienté ma carrière sans la scène et l'esprit de groupe, j'ai fini par comprendre qu'il me manquait quelque chose et que je n'étais plus aussi heureux.

Attention, je ne suis pas malheureux pour autant ! Depuis, les rares fois ou je suis remonté sur scène avec Jacques, cela m'a mis dans un état physique incroyable ! En revisionnant les vidéos des concerts de J.Higelin dans lesquels j'ai joué, cela m'a sauté aux yeux... J'ai alors compris tout l'impact que le live avait sur moi et le bienfait que cela m'apportait.

Question : Qu'attends-tu pour t'y remettre?

Réponse : Je ne veux que reprendre ma basse, jouer avec des musiciens et ce, devant un vrai public. Ces moments, c'est comme faire l'amour à la personne que tu aimes, et ce n'est pas qu'une image intellectuelle ! Tu te retrouves dans un état si fort, que tu ne peux rien retenir. Pour moi, ne plus jouer sur scène, c'est comme ne plus faire l'amour !

Question : Est-ce pour cette raison que tu as sorti ton album solo " RXRA ", il y a trois ans ?

Réponse : A l'origine, oui. Je l'ai même enregistré "live" en studio et cette méthode ne me correspond pas finalement. Après réflexions, pour le studio, je suis davantage dans la veine de Massive Attack que des Rolling Stones. "RXRA" a été conçu à la façon " Stones ", ce qui fut une erreur. Alors, comme de toute façon le disque n'a pas eu le succès que nous espérions, et que je recevais par ailleurs de nombreux projets de musiques de films, nous avons renoncé momentanément à l'idée.

Je ne tiens pas à abandonner cette idée. Je sais que je ne serais jamais heureux, tant que je ne remonterais pas sur scène, même dans un petit club. J'ai l'intention, justement pour les mêmes raisons, de renouveler l'expérience dès l'année prochaine en enregistrant un second opus, à la " Massive Attack " cette fois. Ce sera un album-concept.

Question : Tu n'as jamais eu envie de tourner avec les musiques de films comme l'a fait Ennio Morricone dernièrement ?

Réponse : Plusieurs tourneurs me l'ont demandé, après le succès du "Grand bleu", mais j'ai toujours refusé. Venant de la scène rock et jazz, je ne voyais pas l'intérêt de jouer des musiques de films sur scène. J'aurais trouvé, en tant que spectateur, un concert du "Grand bleu" super chiant. Autant je trouve que c'est un bel album à écouter chez soi, autant il n'est pas à écouter sur scène.

Cette musique n'a pas la qualité scénique ou l'énergie nécessaire pour être produite devant un public. Cependant, à partir de cette idée, je travaille, en ce moment, à l'écriture d'un spectacle basé sur les musiques de films. Tu ne peux pas proposer un spectacle sans visuel, à des personnes qui payent cher leur place. En tous les cas, moi, je ne le peux pas...

Question : En amoureux de la basse, quel est ton matériel favori?

Réponse : J'ai toujours ma Fender Precision Fretless, et lorsque j'ai besoin d'une basse frettée, je prends une Steinberger et une Music Man, ce sont toutes des cinq cordes et je les ai depuis très longtemps. Je n'utilise que très rarement un ampli en studio, je me branche directement sur la table ; mais depuis la BOF "Rollerball", j'utilise aussi un Pod. Très rudimentaire finalement.


touche F11 pour le plein écran !! - Résolution 800 x 600

Accueil | Musique | Excel | Liens Web | Contact !! |