Tété

Interview à l'occasion de la sortie de l'album "Par Monts et Vallons"

Question : Sur quels critères as-tu fait le choix des morceaux pour le live "Par Monts et Vallons"? Les fans risquent d'être surpris de ne trouver que cinq titres de ton album.

Réponse : L'idée de départ était de produire une sorte de photographie de mes trois ans passés sur la route. Ensuite, c'était de garder la forme guitare/voix sous laquelle j'ai le plus joué durant cette tournée. Or, il y avait deux tiers des morceaux qui se prêtaient à ça sur l'album : "Le Meilleurs des Mondes", "Aisé", etc... Cela a fait un premier écrémage. Après, on a gardé les chansons qu'on a le plus fait tourner sur scène. A ça, on a greffé la reprise de Bob Marley, "Redemption Song", que je jouais déjà dans la rue et les bars. Ainsi que deux morceaux de l'album à venir.

Question : Pourrais-tu décrire ton jeu de guitare, mélodiquement et rythmiquement parlant, à un guitariste qui voudrait sonner comme Tété?

Réponse : J'essaie qu'il y ait tout le temps une mélodie, que ce soit la voix ou le thème à la guitare, que tu puisses siffloter. Surtout si tu ne sais pas chanter, parce que c'est des morceaux comme ça qui m'ont donné envie de faire de la musique. Après, à la guitare, vu que je suis le seul musicien, je tape avec mes paumes sur le chevalet, ce qui me permet de conserver une trame rythmique derrière pour remplir l'espace. Tu peux taper tous les temps, soit les deux et les quatre, soit taper tous les temps avec les deux et les quatre plus forts en mettant l'accent dessus. Avant je faisais des trucs plus compliqués, alors que là, je ne me base que sur deux ou trois accords et après je trouve des enrichissements à l'intérieur des accords, pour que le morceau ait une identité qui le démarque.

Question : Tu ne pourrais pas te passer de guitare?

Réponse : Non, c'est clair. Je joue tous les jours chez moi, même quand je suis en période de concert. Cela me permet d'évacuer toutes les tensions de la journée...Attention, je n'ai pas de problèmes particuliers! Tu joues deux heures et tu ne penses plus à rien. Et quand je suis sur scène, j'essaie de me remettre dans ces conditions de confort là. Quand t'es seul sur scène, c'est flippant. Alors je ferme les yeux et je me dis :"Imagine que tu es dans ton salon et que tu joues comme tous les jours."

Question : D'un point de vue musical par contre, tu es très libéré sur scène : tu fais plus facilement des pauses entre les phrasés, comme pour donner du groove et de l'air à la chanson.

Réponse : Quand je joue, j'essaie de penser à un milliard de trucs en même temps et c'est débile, mais la plus importante est la position dans laquelle je joue. Si tu te tiens mal, t'es flippé, ça ne respire pas, tu claques les cordes toutes les trente secondes et au niveau des tempos, tu vas mettre 4 ou 5 points de trop. Mais si tu arrives à bien tenir la position, c'est magique, tu n'as plus à penser à rien. Tu peux alors te concentrer sur l'interprétation, modifier les morceaux et profiter de la liberté que confère la forme guitare/voix. Quan tu travailles avec d'autres personnes, c'est plus délicat : t'as une idée précise de ce que tu veux faire et tu dois faire face aux desiderata ou aux egos des autres. Ou alors, tu n'en tiens pas compte et tu risques de frustrer les envies de ces gens qui sont aussi des musiciens, il ne faut pas l'oublier.

Je préfère donc être seul. Si un soir, tu arrives, que tu as trop fumé de clopes la veille, t'as fait la fête, pas dormi et que ça ne le fait pas, tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même. Et puis, plus de musiciens, ça obligerait à jouer sur une grande scène et d'un point de vue financier, un concert coûte une fortune. C'est con, mais jouer seul coûte moins d'argent et quand tu coûtes peu, tu as moins de comptes à rendre.

Question : Mais, tu ne ressens pas un dilemme entre le fait de d'intégrer des cuivres et des cordes en studio et le fait de conserver sur scène uniquement la trame de la guitare?

Réponse : Avec toutes les possibilités qu'offre le home-studio, tu peux créer des maquettes avec 200 pistes, mais l'âme du truc, c'est en live avec un minimum : guitare/voix ou même a capella. Les arrangements, tu les compenses avec l'énergie. Les artistes qui m'ont inspiré procédaient comme ça.

Question : Justement, dans ta discothèque, tu as des live d'artistes qui te tiennent vraiment à coeur et qui t'ont éventuellement inspiré?

Réponse : Il y a un live de Dylan, un bootleg de 1966 : une heure et demi de guitare/voix, pendant sa grande époque folk avant qu'il ne passe à l'électrique. Il dialogue avec le public à un moment, il introduit le morceau, se perd dans ses explications et tu comprends qu'il a oublié les paroles et il demande : "Quelqu'un se rappelle des paroles?" et un mec du public les lui souffle. Génial. Sinon, il y a Bob Marley et -M-.

Tu sais, quand tu enregistres un live, tu prends le son directement au cul de la console. C'est pas vraiment flatteur : t'entends les défauts, les moments où tu chantes faux. Cela m'a permis de comprendre, en écoutant "Babylone Bus", sachant les moyens qu'ils avaient à l'époque, que ce mec a un niveau de dingue.